Peut-on continuer le sport enceinte ? Jade, future maman et marathonienne, partage son parcours et casse les idées reçues.

Et si grossesse rimait avec sport et marathon ?


Les deux semblent totalement incompatibles et pourtant, c’est le cas de Jade, future maman qui a su réconcilier le fait de devenir mère avec celui de rester une femme, une sportive.

Il est vrai que, dans notre inconscient collectif, la grossesse est souvent synonyme de fragilité, de repli vers l’intérieur, de repos, voire de mise entre parenthèses de la vie sociale et active d’une femme, le temps de la gestation.

Et si nous en finissions avec cette idée préconçue et archaïque ?

Jade m’a annoncé sa grossesse alors que je venais tout juste de prendre la décision de courir ma première course de 10 km. Nous étions en train de boucler ensemble mon premier 12 km lorsqu’elle me l’a révélé. À ce moment-là, j’étais partagée entre l’émotion et la joie pour elle, et en même temps mille questions me venaient à l’esprit. Nous étions là, en pleine foulée, Jade enceinte, continuant à vivre pleinement.

Cette interview parle de sport, de grossesse, de rapport à soi, de la manière de faire face aux idées reçues et aux jugements. Elle aborde aussi l’écoute de ses propres limites, car chaque grossesse est différente.

 

Jade, peux-tu te présenter en quelques mots et nous raconter ton parcours sportif ?

Énergique, déterminée et courageuse : c’est ainsi que mes proches me décrivent ! J’aime apprendre, découvrir de nouvelles choses et m’investir pleinement dans ce que j’entreprends. Le sport a toujours occupé une place essentielle dans ma vie, presque comme un besoin vital. Pour certains, manger est indispensable ; pour moi, pratiquer une activité sportive l’est tout autant.

Depuis l’enfance, j’ai évolué à travers différentes disciplines : la danse comme loisir, puis les sports collectifs au collège et au lycée. Beaucoup abandonnent la pratique sportive à l’âge adulte, faute de temps ou par manque de passion. Je trouve cela dommage. Pour ma part, j’ai réussi à intégrer le sport dans ma vie étudiante, en commençant par la salle de sport.

Au départ, il s’agissait avant tout de répondre aux standards de beauté, mais rapidement, cela a pris une tout autre dimension : la salle est devenue un exutoire, un espace où je ne pense à rien d’autre qu’à mon corps, où j’apprends à en connaître les forces et les limites.

En 2023, j’ai participé à une course solidaire pour l’association Ludopital, qui me tient particulièrement à cœur. Ce jour-là, en voyant mon corps lutter et mon souffle à bout, j’ai pris conscience qu’il était temps d’adopter une pratique sportive régulière et plus structurée. C’est ainsi que j’ai commencé la course à pied, qui constitue aujourd’hui une part importante de mon équilibre.

 

Qu’est-ce qui t’a amenée vers des disciplines d’endurance comme le marathon et le triathlon ?

La folie ? Peut-être… J’ai commencé la course à pied en septembre 2023, simplement pour le plaisir de sortir et de me vider l’esprit. Mais très vite, ce loisir est devenu un véritable moteur, avec des objectifs ambitieux : après seulement six mois d’entraînement, je me suis lancée dans mon premier semi-marathon !

Entourée de personnes déterminées, sportives et courageuses, j’ai naturellement été portée vers de nouveaux défis. Le semi-marathon a représenté une étape énorme pour moi, puisque je n’avais jamais couru plus de 10 km auparavant. Mais après un entraînement rigoureux, je l’ai franchi… et depuis, je ne compte plus mes courses. Comme une addiction, chaque réussite appelle un nouveau défi, une nouvelle envie de se dépasser.

Ainsi, le marathon est rapidement devenu une évidence. Puis le triathlon s’est imposé comme un autre challenge : en juin 2024, je relevais mon premier triathlon S, avant de courir mon premier marathon en octobre de la même année.

En un an seulement, je suis passée de mes premiers pas en course à pied à des épreuves d’endurance qui me semblaient autrefois inaccessibles. Aujourd’hui, la boucle est bouclée… mais un nouveau défi m’attend déjà : le trail !

 
 

Quand tu as appris ta grossesse, comment as-tu envisagé ta pratique sportive ?

J’ai appris ma grossesse la veille d’un semi-marathon, celui de Gand en Belgique, en mars 2025 ! Une nouvelle merveilleuse qui nous a comblés de joie. Dès le départ, j’ai su qu’elle ne m’empêcherait pas d’être à la fois une femme et une sportive.

Comme beaucoup de futures mamans, je m’étais souvent projetée dans ce rôle. Mais je sais aussi que les réseaux sociaux et certains témoignages ne reflètent pas toujours la réalité de ce que représente une grossesse. Certaines femmes ne l’apprécient pas du tout, d’autres, au contraire, la vivent comme une période épanouissante. Et parfois, on peut aimer être enceinte à un moment, et moins à un autre ! Tout est possible, et chaque expérience est unique. Ce qui est certain, c’est que le fait de ne pas aimer sa grossesse ne remet absolument pas en cause l’amour que l’on portera à son enfant.

Pour ma part, lorsque j’ai découvert que je portais la vie, il ne m’a jamais traversé l’esprit d’arrêter le sport. C’était une évidence : j’allais continuer. Le sport fait partie de moi, il est vital, presque comme un besoin primaire. Ma sage-femme m’a tout de suite rassurée : poursuivre mes activités n’avait rien de dangereux. Bien sûr, il est déconseillé de commencer un nouveau sport pendant la grossesse, mais continuer une pratique déjà installée est parfaitement possible, et même bénéfique.

 

Qu’as-tu envie de répondre à l’idée que la grossesse devrait rimer avec repos ?

Face à certaines remarques, j’ai parfois envie de répondre franchement : « Vous nous fatiguez ! » Quand on est enceinte, on se rend vite compte que tout le monde pense savoir mieux que nous-même ce qui est bon pour notre corps… alors que ce n’est pas le cas. Bien sûr, certaines grossesses nécessitent un suivi particulier en raison de pathologies, et toutes ne se vivent pas de la même façon. Avant de tomber enceinte, je ne savais pas si j’allais adorer ou détester cette période. Finalement, je la vis très bien, et même avec beaucoup de plaisir.

Ce qui est réellement dangereux, ce n’est pas de rester active, mais au contraire de sombrer dans l’inactivité, ou encore de pratiquer des sports à risque ou de contact. Entretenir son corps, continuer à bouger, n’a rien de nocif ni pour la maman ni pour le bébé. La plupart des remarques que je reçois viennent de personnes qui, bien souvent, ne pratiquent pas de sport du tout.

Il existe aussi un vrai décalage générationnel. Les suivis de grossesse ont énormément évolué : aujourd’hui, on peut détecter certaines pathologies, connaître le sexe du bébé très tôt, et surtout le voir grandir grâce aux échographies. Tout cela est relativement récent. Je comprends donc que certaines générations aient du mal à se détacher de l’idée qu’il fallait « s’économiser au maximum » pendant la grossesse.

De mon côté, j’ai envie de montrer que grossesse ne rime pas forcément avec repos absolu. Si ton corps le permet et que ton suivi médical est favorable, alors oui, tu peux continuer à pratiquer une activité sportive et à vivre ta grossesse pleinement.

 

“Ce qui est réellement dangereux, ce n’est pas de rester active, mais au contraire de sombrer dans l’inactivité, ou encore de pratiquer des sports à risque ou de contact.”

— Jade Bénard

 
 

 Quelles sont les fausses idées reçues ?

La première idée reçue, et sans doute la plus répandue, c’est que le sport serait dangereux pendant la grossesse. En réalité, si vous êtes bien suivie médicalement et que vous ne débutez pas une nouvelle pratique trop violente (comme le karaté ou les sports de combat), il n’y a aucun danger à continuer une activité physique régulière. Au contraire, cela présente de nombreux bénéfices, aussi bien pour la maman que pour le bébé.

On entend aussi souvent que la course à pied donnerait des à-coups au bébé. C’est totalement faux ! Il est parfaitement protégé dans le liquide amniotique, comme dans un petit cocon. La cadence de la course a même un effet apaisant, comparable à un bercement. La seule vraie vigilance à avoir concerne le risque de chute : il faut rester prudente, choisir ses terrains et écouter son corps.

Autre idée fausse : le sport fatiguerait trop et prendrait de l’énergie au bébé. En réalité, une activité adaptée aide à mieux gérer la fatigue, améliore la circulation et favorise même un meilleur sommeil !

Pendant la grossesse, on peut se sentir mal, culpabiliser d’avoir fait — ou de ne pas avoir fait — de sport. On entend aussi souvent : « Le sport peut provoquer une fausse couche ». Eh bien non : les études montrent qu’une activité régulière n’augmente pas ce risque, tant que la grossesse est normale et bien suivie.

 

Cette période t’a-t-elle amenée à découvrir une autre façon d’écouter ton corps et de respecter ses limites ?

C’est vrai, j’ai souvent du mal à me fixer des limites. J’ai tendance à écouter ma tête plutôt que mon corps. Mon mental prend souvent le dessus, et cela me plaît, car c’est une véritable force. Mais dès le début de ma grossesse, j’ai dû adopter un tout autre état d’esprit : apprendre à ralentir, à dire stop, à accepter de faire moins et de ne pas toujours être « assez » selon mes propres standards.

Bien sûr, il m’arrive encore d’être déçue par mes chronos, mes répétitions ou mes performances. Mais aujourd’hui, j’ai la plus belle des excuses : je suis en train de créer la vie.

 

“ j’ai dû adopter un tout autre état d’esprit : apprendre à ralentir, à dire stop, à accepter de faire moins et de ne pas toujours être « assez » selon mes propres standards.”

— Jade Bénard

Quelles sont les vraies limites que tu as rencontrées, et comment les distinguer des interdits « imaginaires » que la société projette sur les femmes enceintes ?

La première vraie limite que j’ai rencontrée, c’est en course à pied : le souffle. Au premier trimestre comme au dernier, la respiration devient plus difficile, on s’essouffle vite, on court moins longtemps et moins vite. À cela s’ajoutent parfois les tiraillements ligamentaires pendant l’effort, des douleurs qui obligent à ralentir, à marcher, à s’arrêter… mais qu’il faut accepter. Parce que finalement, bouger, même simplement marcher, c’est déjà prendre soin de son corps et l’aimer.

Il y a aussi la fatigue, qui accompagne toute la grossesse. Elle impose d’apprendre à s’écouter, sans pour autant se laisser complètement freiner. L’équilibre est subtil, mais essentiel.

En natation, ce sont surtout les chronos et la respiration qui changent : on souffle plus fort, on avance différemment. À la salle, il faut apprendre à adapter ses entraînements : utiliser de nouvelles machines, privilégier celles qui ciblent le dos ou les jambes, et revoir ses habitudes pour rester active en toute sécurité.

 

Est-ce que ta discipline sportive t’aide aussi à préparer ton mental à l’arrivée de ton enfant ?

Je ne sais pas trop… J’entre dans mon 7ᵉ mois (d’ailleurs, ça passe vraiment très, très vite) et j’essaie de ne pas trop penser à l’accouchement ni à l’arrivée du bébé, mais plutôt à vivre pleinement le moment présent, car je crains de devenir impatiente. C’est propre à chacune, mais je pense que le sport travaille à la fois le corps et le mental, et que c’est forcément bénéfique pour les prochaines étapes.

Pour ma part, j’ai continué le sport pour plusieurs raisons : préserver ma stabilité émotionnelle, rester active, réduire ma peur concernant le post-partum et les changements du corps, et incarner dès maintenant une maman dynamique.

 

As-tu ressenti des jugements ou de la pression sociale dans ta pratique, et pourquoi penses-tu que c’est encore difficile d’accepter qu’une femme enceinte puisse être active ?

OUI, OUI ET ENCORE OUI ! Certaines remarques, même si elles ne sont pas faites pour blesser, peuvent laisser un goût amer… Je comprends que la société évolue et que tout le monde n’ait pas accès aux bonnes informations. Mais il est vrai que les générations précédentes ont parfois du mal à concevoir qu’il est possible de rester active et de prendre soin de son corps pendant la grossesse. Pourtant, c’est une évidence : pratiquer un sport adapté ne fait jamais de mal.

Il y aura toujours des regards admiratifs… et d’autres plus critiques. Il faut apprendre à vivre avec. Chaque grossesse est unique, chacun.e la vit à sa manière. Si je n’avais fait aucun sport, on m’aurait probablement conseillé de « bouger » un peu. La société aura toujours son avis sur ce que vous devriez faire… mais ne l’écoutez pas. Écoutez votre corps, vos envies et vos besoins avant tout.

 

Quelles figures ou modèles t’ont inspirée, et souhaites-tu à ton tour que ces photos deviennent une source d’inspiration pour d’autres femmes ?

J’aimerais que certaines femmes se reconnaissent dans mon parcours et se disent : « Je ne suis pas folle », « J’ai le droit de faire du sport ». Je n’ai pas suivi d’exemple particulier, mais je savais quel type de grossesse je souhaitais vivre et j’ai simplement essayé de m’en donner les moyens, sans prétention.

Quand j’avais mal au dos, j’ai cherché et pratiqué des exercices pour le renforcer. Quand je n’avais pas envie d’aller courir, je me suis quand même motivée… mais toujours en écoutant mon corps. Je ne me force jamais à atteindre une distance ou un temps précis, seulement à rester active et bien dans ma grossesse.

Je voudrais aussi adresser un message aux femmes enceintes qui ne pratiquent pas de sport et n’en ressentent pas le besoin : c’est tout à fait normal. Vous n’êtes pas de « mauvaises mamans ». Vous vivez votre grossesse à votre rythme, en écoutant vos envies et vos limites. Pendant neuf mois, vous construisez la vie, vous ressentez vos forces et vos faiblesses, et vous êtes les seules à décider de ce qui est le mieux pour vous.

Ne vous laissez jamais freiner par les attentes ou les jugements des autres. Faites ce qui est juste pour vous, et uniquement pour vous.

C’est ma première grossesse, je n’ai pas d’enfant en bas âge à m’occuper, je sais que nous ne sommes pas toutes égales et je ne blâme personne.

 

Si tu devais résumer en une phrase ce que le sport t’a appris sur la grossesse, ce serait quoi ?

Qu’il faut écouter d’avantage son corps et moins sa tête, chose que je faisais complètement différemment.

Quelle image aimerais-tu garder de toi à travers ces photos : la mère, la sportive, la femme libre… ou tout ça à la fois ?

J’aimerais garder l’image d’un corps fort et harmonieux, celui d’une femme qui vit pleinement sa grossesse tout en continuant à s’épanouir dans sa propre vie.

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